Voyager ce n’est pas des vacances

J’ai déjà abordé cette thématique dans les deux textes précédents, mais il me semble qu’il y a des points que je n’ai pas encore touchés. Ce sujet me trotte toujours dans la tête comme s’il manquait encore quelques pièces au puzzle de ma réflexion.

Quand nous sommes partis de Montréal, je m’imaginais qu’être sur la route pendant 1 an serait de longues vacances : aller de places en places, de villages en villes, de sites historiques en plages désertes. Mais voyager est tout autre chose et ne ressemble pas à des vacances. Nous avons rencontré un Américain qui nous a demandé d’où nous venions. Quand nous lui avons expliqué que nous étions partis de Montréal en camion et sur la route depuis 6 mois, sa réponse a été « Oh! You are travelers then». Oui, nous sommes des voyageurs. Nous ne sommes pas des vacanciers.

La découverte de nouveaux lieux se fait sur une longue période et petit à petit on s’habitue à la nouveauté constante. On la recherche mais lentement. On ne veut pas de la nouveauté tous les jours mais au fil du temps. Nous ne sommes pas pressés.

Le voyage est aussi et surtout un voyage intérieur. On apprend beaucoup sur soi. En fait, nous n’avons pas le choix. Très souvent nous sommes confrontés à nous-même. Ce dont nous rendions les autres responsables nous incombe maintenant. Nous sommes responsable de notre bonheur. Sur la route, nous décidons, nous choisissons. Alors si ces choix ne nous conviennent pas, il est de notre ressort de les changer. Nous n’avons pas la pression de la société qui nous pousse à agir et en même temps, nous ne pouvons pas nous y réfugier en rendant les autres responsables de notre tristesse, frustration et autres sentiments. Cette confrontation avec nous-même est souvent difficile. Il n’y a pas de refuge, pas d’exutoire.

En voyage, nous sommes confrontés à nous-même, à ce que nous sommes et voulons être – ou ne voulons plus être.

Nous devons nous couper de nos vieux réflexes qui aboutissaient toujours aux mêmes résultats, aux mêmes comportements et aux mêmes réponses, aux mêmes frustrations. Nous pouvons aussi refuser d’être confronté à certains comportements qui nous amènent dans des zones où nous ne voulons plus aller – comme ce propriétaire de maison d’Air BnB qui nous a dit : « tout à un prix ». Non, tout n’a pas de prix. Et décréter que tout a un prix est d’office se couper des relations humaines qui n’ont pas de prix. L’argent ne peut pas tout acheter. Ce genre de personnes est l’idée même d’être humain que refusent les voyageurs. La vie n’a pas de prix. Les relations humaines n’ont pas de prix. Le temps passé à échanger n’a pas de prix. Une rencontre, même de quelques minutes avec un inconnu n’a pas de prix. Rien n’est plus riche qu’une rencontre où chacun prend le temps de donner de son temps.

J’oserais dire que tous les voyageurs vivent ces phases de remise en question et de changements. Nous avons eu la chance de rencontrer deux personnes extraordinaires avec qui nous avons voyagé pendant 6 semaines. Nous nous sommes quittés car nos chemins physiques se séparaient et non parce que nous le voulions. Grâce à ces personnes, nous avons grandis. Nous avons tous les quatre grandis. À travers de très nombreuses discussions, nous avons partagé ce que nous étions, nos réflexions, nos peurs, nos joies et nos peines, sans filtre, sans gêne, sans masque. Nous nous sommes donné le temps de vivre et d’apprendre ensemble. Cette rencontre marquera à jamais notre vie. Aujourd’hui, je me sens riche et privilégiée.

À travers ce voyage, nous apprenons à refuser ce qui nous dérange, à rechercher ce qui nous rend heureux et à nous éloigner des parasites. Nous apprenons à nous connaitre, nous nous apprivoisons nous-même. La vie est trop courte pour vivre d’une manière qui ne nous ressemble pas. La vie est trop courte pour se laisser embarquer dans une direction qui nous éloigne de ce que nous sommes. La vie est trop courte pour la vivre en surface.

Ce travail sur soi est difficile et souvent douloureux. Je n’imaginais pas que c’était cela voyager. Le plus difficile sera de conserver ce cap à notre retour, de ne pas se laisser embarquer dans un train qui nous éloigne de notre être. Il est encore trop tôt pour y penser mais la perspective du retour fait peur.

J’ai une amie qui aime demander aux gens qu’elle rencontre quels sont leurs rêves plutôt que de savoir ce qu’ils font dans la vie. Pour elle, cela amène des discussions plus vraies et plus intéressantes. Le jour où j’écris ce texte c’est son anniversaire, alors j’ai une pensée particulière pour elle et pour toutes nos discussions à venir.

Nous avons encore 6 mois pour nourrir nos réflexions et encore beaucoup de rencontres à venir pour les alimenter. Ce luxe, nous ne pouvons pas le perdre en pensant dès aujourd’hui au retour. Ce moment viendra assez vite. En attendant, nous continuons notre route d’asphalte et notre chemin intérieur.

2 thoughts on “Voyager ce n’est pas des vacances

  1. Bon bah voila Sonia en revenant a Montréal tu vas pouvoir écrire un livre de philo :p
    Plus sérieusement les amis: bonne année et bonne santé!
    Vous etes déja au milieu de votre voyage, le temps passe vite!! Je le redis, vos photos déchirent grave! Un vrai plaisir d’aller sur votre blog 🙂
    A bientot pour des shows du siecle, des 5a12 de fous, et des bonnes rigolades.
    Aux chiottes 2016, go 2017!
    bisous

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